Certaines pratiques managériales dites pathogènes (capables d’engendrer une maladie) peuvent avoir des conséquences sur la santé physique et mentale des salariés. Retour sur ces pratiques déviantes qui mettent à mal l’organisation du travail au sein des entreprises.

Selon l’enquête Virage publiée en novembre 2020, la violence au travail touche 1/5 de la population active, elle est donc très présente au sein des organisations.

Marie Pezé, psychologue clinicienne, docteur en psychologie et psychanalyste a ouvert la consultation « Souffrance et Travail » en 1997. Pendant plus de 10 ans, son étude auprès de patients harcelés moralement lui a permis de classifier les pratiques organisationnelles pathogènes à travers 3 grandes classes.

Pratique de management pathogène 1 :
« Le détournement du lien de subordination »

D’un point de vue relationnel, le manager peut utiliser son pouvoir en modifiant ses liens avec le subordonné. L’instauration d’une asymétrie dans ses relations, telle que l’utilisation du tutoiement alors que le vouvoiement est exigé pour le salarié, peut être considérée comme un premier signe d’abus.

De même, couper la parole ou hausser le ton ne font pas partie des pratiques managériales classiques et il est important que le salarié en prenne conscience. Le manque de politesse et de savoir-faire social (ne pas dire « bonjour », « au revoir », « merci ») sont également synonymes d’un détournement de pouvoir s’ils sont récurrents.

Enfin, un manager coupant toute communication avec son collaborateur et préférant l’utilisation de notes ou l’envoi d’e-mails pour s’exprimer est un signe révélateur d’une relation pathogène.

Ce détournement du lien peut également se traduire par des pratiques visant à isoler le collaborateur du reste de son équipe. On notera, par exemple, le changement des horaires de déjeuner pour empêcher le salarié d’être avec ses collègues, l’omission volontaire d’informations ou d’invitations à des réunions concernant le salarié, ou encore une interdiction pour lui de communiquer avec une personne de l’entreprise.

Enfin, l’ensemble des collaborateurs d’une équipe doit être régi sur un plan d’égalité. Par exemple, aucun salarié ne doit se sentir lésé, autant dans la gestion des horaires de travail que sur les temps de pause attribués.

Pratique de management pathogène 2 :
« La sur-utilisation des règles disciplinaires »

Une surveillance humaine et technologique accrue peut développer un sentiment de persécution chez le collaborateur. On notera, à titre d’exemple, le contrôle des appels téléphoniques, des e-mails envoyés et reçus, ou la surveillance du poste de travail (tiroir, casier, poubelle, sac à main…).

De même, le salarié doit également avoir la possibilité de s’isoler quand il en ressent le besoin et son manager ne peut exiger une surveillance en lui obligeant de laisser la porte de son bureau ouverte.
L’utilisation de micro ou de vidéosurveillance est, bien entendu, proscrite.

Les pratiques punitives sont également contre-productives et détruisent la reconnaissance au travail du salarié. Par exemple, un manager ne peut refuser à plusieurs reprises une demande de formation. Aussi, les blâmes et avertissements ne doivent pas être utilisés en excès, notamment pour des fautes légères.

Le salarié ne doit en aucun cas être fortement incité à une mutation géographique ou de service, ou poussé à la démission. À contrario, il ne doit pas ressentir de blocage à sa mutation ou à sa volonté de quitter l’entreprise s’il en ressent le besoin.
Enfin, les heures supplémentaires travaillées doivent être validées et compensées et les congés ne peuvent être imposés ou non accordés à la dernière minute.

Pratique de management pathogène 3 :
« La sur-utilisation du pouvoir de direction et d’organisation »

Le dernier aspect observable dans une situation de management pathogène est la sur-utilisation du pouvoir d’organisation, menant vers la perte totale de sens du travail pour le collaborateur.

Une charge de travail trop intense alors que le salarié est déjà « sous l’eau », des objectifs impossibles à respecter, ou au contraire un manque de considération du collaborateur en ne lui donnant pas de travail à faire, sont autant d’injonctions paradoxales qui peuvent nuire à la santé d’une équipe.

D’autre part, la mise en scène de la disparition du salarié est également un facteur pathogène dans les entreprises. Elle se traduit par la suppression des tâches définies dans le contrat de travail en les confiant à un autre collaborateur.

Cependant, il est important de préciser qu’aux yeux de la loi et notamment du Code du Travail, le harcèlement moral se distingue par le caractère répétitif qu’il implique. Les pratiques citées ci-dessus ne définissent pas nécessairement un acte de harcèlement moral si elles ne sont pas répétées. Pour en savoir plus sur la liste des pratiques organisationnelles, potentiellement pathogènes, rendez-vous sur le site Souffrance & Travail.

Néanmoins, même si le caractère répétitif ou la multiplication des pratiques n’a pas lieu, le salarié se retrouve malgré tout dans une situation de mal-être et de souffrance au travail qui n’est pas négligeable et dont il doit faire part à un membre de son organisation. Cette situation pourra en effet être déclarée en tant qu’accident du travail.
La hiérarchie se doit de protéger la santé du salarié en réajustant son organisation pour éviter les comportements hostiles, sources de risques psycho-sociaux.

Héléna Belaïd

Co-fondatrice de Cuidam

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