Dans notre ancien cabinet de conseil en emploi, nous constatons régulièrement la complexité des situations d’inaptitude au travail. En 2024, plus de 160 000 avis d’inaptitude ont été prononcés en France, plaçant de nombreux salariés dans des situations financières délicates. Notre expérience auprès des entreprises nous montre l’importance de bien comprendre les mécanismes de reprise du salaire et de cumul avec les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pour accompagner efficacement les salariés concernés.

source : santraplus
Comprendre le cadre juridique de l’inaptitude au travail
L’inaptitude au travail constitue une situation particulière dans le droit du travail français. Elle intervient lorsque le médecin du travail constate qu’un salarié ne peut plus exercer son poste en raison de son état de santé, même avec des aménagements. La loi du 8 août 2016 a renforcé ce cadre juridique en précisant les obligations des employeurs face à cette situation.
Vous devez savoir que l’inaptitude peut avoir deux origines distinctes : professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) ou non professionnelle (maladie ou accident de la vie courante). Cette distinction reste fondamentale car elle influence certains aspects de la procédure, notamment les indemnités en cas de licenciement.
Dans notre pratique quotidienne, nous observons que la procédure d’inaptitude suit généralement ces étapes :
- Examen médical par le médecin du travail
- Déclaration formelle d’inaptitude
- Recherche obligatoire de reclassement par l’employeur
- Décision de reclassement ou de licenciement dans un délai d’un mois
- Reprise du versement du salaire au-delà de ce délai en l’absence de décision
La déclaration d’inaptitude n’est pas une formalité anodine. Elle engage l’employeur dans un processus strict qui vise à protéger le salarié tout en permettant à l’entreprise de trouver une solution adaptée. Nous constatons souvent des erreurs dans l’application de ces règles, ce qui peut engendrer des contentieux coûteux pour les employeurs.
Reprise du versement du salaire après le délai d’un mois
La législation prévoit qu’à l’issue d’un délai d’un mois suivant la déclaration d’inaptitude, si le salarié n’est ni reclassé ni licencié, l’employeur doit reprendre le versement du salaire. Cette obligation découle directement de l’article L1226-4 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit verser le salaire correspondant à l’emploi occupé avant la suspension du contrat.
Dans notre accompagnement des entreprises, nous insistons sur l’importance de ce délai. L’expérience montre que de nombreux employeurs sous-estiment ce mécanisme ou tardent à prendre une décision, ce qui les contraint ensuite à verser des arriérés de salaire parfois conséquents.
Un point essentiel mérite votre attention : cette obligation s’applique même si le salarié a trouvé un emploi ailleurs. La Cour de cassation a confirmé cette position dans plusieurs arrêts, notamment celui du 16 février 2005. Ainsi, l’obligation de reprise du paiement des salaires persiste indépendamment de la situation professionnelle actuelle du salarié.
Pour illustrer cette situation, voici un tableau récapitulatif :
Situation après 1 mois | Obligation de l’employeur | Conséquence financière |
---|---|---|
Reclassement effectué | Versement du nouveau salaire | Selon le nouveau poste |
Licenciement prononcé | Versement des indemnités | Fin de l’obligation salariale |
Ni reclassement ni licenciement | Reprise du versement du salaire initial | Charge financière complète |
Cumul du salaire avec les indemnités journalières

La situation devient particulièrement complexe lorsqu’un salarié déclaré inapte présente un nouvel arrêt maladie. Vous pourriez penser que ce nouvel arrêt suspend à nouveau le contrat de travail, mais la jurisprudence de la Cour de cassation affirme clairement le contraire. Dans son arrêt du 18 décembre 2013, la Haute juridiction précise que le nouvel arrêt de travail ne peut remettre en cause le régime juridique de l’inaptitude.
Cette position jurisprudentielle a des conséquences financières importantes. De ce fait, la Cour interdit à l’employeur de déduire du salaire les prestations de sécurité sociale et de prévoyance perçues par le salarié. Il ne s’agit pas d’un maintien de salaire pour maladie, mais bien d’une obligation légale distincte.
Dans notre pratique professionnelle, nous avons constaté que cette situation peut aboutir à un cumul financier favorable au salarié. Prenons l’exemple concret d’un salarié dont le salaire mensuel s’élève à 2500 euros :
- Indemnités journalières de sécurité sociale : 1250 euros
- Prestations de prévoyance : 625 euros
- Salaire versé par l’employeur : 2500 euros
Le salarié peut ainsi percevoir un total de 4375 euros, soit un montant supérieur à son salaire habituel. Cette situation, bien que paradoxale, résulte directement de l’application stricte des textes et de la jurisprudence en vigueur.
Stratégies et recommandations pratiques
Face à cette réalité juridique, nous recommandons aux employeurs d’adopter une approche proactive. La gestion des situations d’inaptitude nécessite une vigilance particulière et une bonne connaissance des enjeux financiers. Nos années d’expérience en conseil nous ont permis d’identifier plusieurs bonnes pratiques.
Pour les employeurs, il est crucial de respecter scrupuleusement le délai d’un mois pour prendre une décision. Ce respect permet d’éviter la charge financière liée à la reprise du salaire, parfois cumulée avec d’autres prestations. Une recherche sérieuse et documentée de solutions de reclassement constitue également une protection juridique essentielle en cas de contentieux ultérieur.
Pour les salariés que nous accompagnons, nous soulignons l’importance de connaître leurs droits. Un salarié déclaré inapte qui se retrouve dans une situation médicale nécessitant un nouvel arrêt de travail conserve l’intégralité de ses droits liés à l’inaptitude. Cette connaissance peut faire une différence significative dans la gestion financière de cette période souvent difficile.
La complexité de ces situations nous rappelle l’importance d’un accompagnement personnalisé. Chaque cas présente des particularités qui méritent une analyse approfondie et des conseils adaptés. C’est précisément ce que nous nous efforçons d’apporter aux professionnels et aux salariés que nous conseillons quotidiennement.