“Vous avez deux beaux atouts pour réussir !”, suivi d’un “Tu manques vraiment d’humour !”… On répète souvent qu’il faut savoir rire “de tout et de rien”, mais peut-on réellement rire de tout ? Si l’on se base sur les dires de Pierre Desproges, la référence de l’humour français, la réponse est non : “On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.”. Mais alors, comment faire pour connaître la limite de chacun ?

L’humour, c’est subjectif.
Chacun est différent, il n’y a aucun doute là-dessus. Suivant les origines, les cultures ou l’éducation, notre humour peut être interprété de mille façons différentes. Il peut provoquer le rire (notre but premier), mais il peut tout aussi bien heurter ou contrarier notre interlocuteur. Si l’on garde l’hypothèse que l’on peut rire de tout, alors on ne parle plus du fond mais de la forme. J’entends par là, l’importance d’adapter son discours, de choisir ses mots en fonction de la personne à qui l’on s’adresse.
À l’origine, le rire permettait à nos ancêtres d’illustrer leurs intentions pendant les échanges. Comme l’explique Carl Marci, neuroscientifique à l’Ecole de médecine d’Harvard, le rire servait de signal pour indiquer que tout allait bien. Il est aussi devenu une manière d’afficher la surprise ressentie face à la chute d’une blague.
Ces dernières années, on s’est rendu compte de l’importance du rire dans le milieu professionnel. L’humour est, aujourd’hui, plus qu’indispensable pour travailler. C’est un réel outil de socialisation et de cohésion qui permet de nouer des liens et de créer des relations saines entre les collaborateurs. Il permet de soulager le stress, l’anxiété et développe l’imagination, la créativité et la productivité. Il motive, stimule et nous rend plus performant. Des études récentes, sur le bien-être au travail, ont révélé qu’une personne ayant visionnée une vidéo humoristique avant le travail serait 10% plus productive. Ceci est notamment dû à la “positive attitude” que l’on développe après le visionnage. Nous sommes plus ouverts et plus enclins à écouter et comprendre les autres.
À la frontière de la “beaufitude” et du sexisme.
Mais l’humour est un outil à double tranchant. Comme cité plus haut, il peut provoquer le rire, mais il peut tout aussi bien susciter l’embarras. Attention à ne pas tomber dans la “beaufitude” et/ou le sexisme. Là est toute la question. A quel moment tombons-nous dans la maladresse ?
Il y a une différence entre taquiner, et abuser de blagues ambiguës, déplacées. Cette différence intervient au niveau de la perception de chacun. Par exemple, une blague stéréotypée aura plus tendance à être acceptée aux Etat-Unis qu’en France. A l’inverse, l’ironie sera plus mal perçue chez les Américains que chez nous. Ainsi, il convient de s’assurer du consentement de la cible des taquineries, d’être attentif à sa réaction, à l’effet de répétition sur son moral…
Il est triste de constater, dans la sphère professionnelle, que la femme reste, bien trop souvent la cible des railleries sexistes. Malgré une progression des mentalités, la hiérarchie patriarcale est encore solidement ancrée dans nos mœurs. Le quotidien de beaucoup de femmes est ponctué de remarques et de gestes scabreux, voire illégaux. Or, ces attitudes ont tendance à passer inaperçues ou sont balayées d’un revers de la main “Ça va, je rigole !”. Certains dénoncent ces faits en les qualifiant de sexisme “ordinaire”. Mais cette opinion n’est pas toujours partagée. Selon Valérie Perruchot Garcia, Directrice de la Communication, des Affaires Publiques et de la RSE chez Janssen France, la banalisation du sexisme commence lorsqu’on parle de “sexisme ordinaire”. Le qualifier d’ordinaire, c’est le dédramatiser voire l’excuser. Pourtant, le sexisme n’a rien d’ordinaire. Tout comme l’effet boule de neige : “Ce sont des mots qui deviennent des gestes, des attitudes qui justifient des trahisons, des vexations qui induisent un doute permanent, des petits riens qui dézinguent, la confiance qui s’évapore.”.
Quelques conseils pour rire (correctement) ensemble.
Je tenterais de terminer cet article sur une note plus légère. Voici, donc, quelques conseils pour apporter de l’humour bienveillant au sein de vos équipes :
– Tester vos blagues sur vos proches d’abord : vos amis ou vos collègues les plus proches seront plus aptes à “valider” vos blagues. La franchise d’un ami n’a pas de prix…
– Faire attention à l’origine culturelle : le second degré n’est pas forcément perçu de la même façon. Renseignez-vous et adaptez-vous en fonction – là est toute la subtilité d’un vrai drôle.
– Oser l’autodérision : être capable de rire de soi-même avant de rire des autres montre une capacité d’ouverture d’esprit qui inspire confiance et acceptation auprès des autres.
– Utiliser l’écriture : en période de crise, le télétravail limite énormément l’échange verbal. Il ne faut donc pas hésiter à communiquer à l’écrit : jeux de mots, métaphores, gifs ou memes…
P-S : Saviez-vous qu’il existe des professionnels spécialisés dans le rire au travail ? Moi non plus… et c’est pourtant vrai. Des consultants du rire, des professeurs de yoga du rire ou de théâtre peuvent intervenir ponctuellement dans votre entreprise le temps de réinstaurer un climat de bienveillance et de confiance.
Liam Donne
Co-fondateur de Cuidam