La notion de harcèlement moral est définie dans le Code du Travail et le Code Pénal ( Article L1152-1 et Article 222-33-2) sous l’intitulé suivant : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Précisions de la jurisprudence

Pour qualifier une situation de harcèlement devant un tribunal, le magistrat doit rassembler trois conditions nécessaires et cumulatives :
– Des agissements répétés ;
– Une dégradation des conditions de travail ;
– Une atteinte au droit et à la santé de la victime des agissements (réalisée ou susceptible d’être réalisée) ;

En effet, si une de ces conditions n’est pas démontrée, l’infraction ne pourra pas être qualifiée de harcèlement moral.

Au cours du temps, les cas de jurisprudence ont permis de faire évoluer la loi et l’ont rendu plus précise.

Par exemple, sur la première condition des agissements répétés, deux arrêts successifs de la Cour de cassation ont précisé que deux agissements pouvaient suffire, dans un laps de temps aussi court ou long que souhaité (la jurisprudence a pu retenir entre 2 semaines et 3 ans).
Concernant la nature des agissements, cela renvoie très souvent au pouvoir exercé par l’employeur.

Cependant, selon la loi, le harcèlement moral peut être vertical ou horizontal. En effet, l’auteur n’a pas nécessairement besoin d’être le supérieur hiérarchique et n’est pas obligatoirement salarié de l’entreprise, mais doit être lié à l’environnement de travail (partenaire, fournisseur, formateur externe…). De plus, l’intention de commettre un acte de harcèlement n’est pas une condition requise par la loi. La volonté de nuire n’est pas exigée, la justice regarde les conséquences des actes.

La notion de « susceptibilité d’atteinte aux droits et à la dignité » mentionnée par la loi est très importante pour le salarié victime. En effet, cela sous-entend qu’il n’est pas nécessaire que l’atteinte à la santé du salarié soit constituée pour entamer des démarches judiciaires. Cela doit le motiver à agir le plus tôt possible pour ne pas se retrouver submergé.

De plus, le salarié n’a pas à apporter de preuves lors de son témoignage, mais plutôt des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral (écrit, témoignage, SMS…). C’est à l’employeur de prouver que les faits rapportés par le salarié concernent une autre situation liée au travail qui n’est pas du harcèlement. S’il ne peut apporter cette preuve pour l’ensemble des éléments, la condamnation est encourue.

La définition du harcèlement moral telle que nous la trouvons dans le Code du Travail reste très vague. C’est pourquoi la Cour de cassation a à plusieurs reprises rendu des arrêts permettant de préciser les agissements pouvant être considérés comme du harcèlement moral. Ainsi, lors d’un contentieux, voici quelques exemples pouvant être retenues comme du harcèlement moral : la mise à l’écart et l’exclusion du salarié, le pouvoir de direction abusif, l’intimidation physique ou morale, le management pathogène, etc.

Les juges doivent donc prendre en compte tous les éléments « pris dans leur ensemble » pour qualifier l’infraction. De plus, une personne morale peut être reconnue coupable de harcèlement moral et ceci même en l’absence de condamnation de l’auteur en tant que personne physique.

Bilan judiciaire et sanctions sur le harcèlement moral

Au pénal, le délit de harcèlement moral peut entraîner jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Celui-ci représente mille arrêts de Cour de cassation par an. Tous tribunaux confondus, 80 % des salariés portant plainte pour harcèlement, gagnent. Ce chiffre très positif doit donc encourager les victimes de harcèlement à s’engager dans des procédures judiciaires.

Toute organisation syndicale représentative dans l’entreprise, avec l’accord écrit du salarié, peut engager à sa place une action devant le conseil de prud’hommes et se porter partie civile devant le juge pénal. Le salarié peut toujours intervenir à l’instance ainsi engagée et y mettre fin.

D’un point de vue de l’employeur, le Code du Travail lui impose de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement. Mais là encore, l’arrêt du 1er juin 2016 le disculpe de toute responsabilité si malgré tous les efforts déployés, des faits répréhensibles surgissent.
Cette décision, rendue par la Cour de cassation, permet d’inciter les employeurs à mettre en place des actions de prévention pour se prémunir. Cela peut se traduire par des formations, des entretiens individuels qui permettront de discuter avec le salarié, un accompagnement global dans la lutte contre le harcèlement.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE peut également proposer des actions de prévention contre le harcèlement moral, sexuel ou les agissements sexistes. Enfin, le médecin du travail peut à son tour proposer des mesures afin d’adapter l’environnement de travail du collaborateur et protéger sa santé physique ou mentale.

Le Code du Travail, à travers sa définition condamne le harcèlement moral. Même si nous avons vu que les conditions retenues par les magistrats étaient strictes et cumulatives, nous voyons que les cas de jurisprudence qui se sont ajoutés à la loi permettent de plus en plus d’aider le salarié dans sa démarche et de le protéger.

Héléna Belaïd

Co-fondatrice de Cuidam

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