on remet l argent a sa place ces entreprises qui cassent tous les codes

“On remet l’argent à sa place” : ces entreprises qui cassent tous les codes

On remet l’argent à sa place : ces entreprises qui cassent tous les codes

À chaque printemps, on a droit à la grande parade des rémunérations XXL de grands patrons français : indignations, débats, tribunes et quelques cafés renversés sur les claviers. L’annonce récente de l’augmentation salariale du PDG de Stellantis, Carlos Tavares, n’a pas échappé à la règle. Mais la vraie question derrière l’écume médiatique est peut-être moins « combien » que « pourquoi » : quels écarts de rémunération sont justifiables et, surtout, comment ces choix bouleversent-ils les codes dans nos entreprises ?

La théorie du tournoi : la carotte (de luxe) contre la cohésion

Dans la littérature académique, deux écoles s’affrontent. D’un côté, les partisans de la « théorie du tournoi », notamment défendue par l’économiste Edward Lazear. Selon ce courant, plus les écarts de salaires sont importants, mieux l’organisation se porte. Pourquoi ? Parce qu’un gros écart entre les salaires incite chacun à se dépasser pour décrocher la promotion et le salaire juteux qui va avec. Résultat : une motivation accrue et une performance boostée. Mieux encore, la dispersion salariale jouerait un rôle de filtre naturel :

  • Les « gagnants » restent et persévèrent pour grimper les échelons.
  • Les « perdants » préfèrent aller tenter leur chance ailleurs.

Cela justifie l’existence d’échelles de salaires très étirées, avec des packages avantageux pour les boss façon Carlos Tavares.

Mais attention, tout le monde n’applaudit pas ce modèle.

Harmonie et justice : retour à l’humain

À l’opposé, certains plaident pour des structures salariales dites « compressées » ou « égalitaires ». Cette approche mise tout sur l’harmonie et la coopération. Pour Phil Beaumont et Richard Harris, une trop grande disparité peut « saper les sentiments d’équité interne » et nuire non seulement à la coopération mais aussi à l’objectif collectif. Les travaux de la psychologue Faye Crosby sur la « privation relative » le confirment : quand on compare son salaire et que la pilule passe mal, on réduit souvent ses efforts. Adieu la motivation.

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Stacey Adams, autre psychologue, a une grille de lecture complémentaire : pour accepter les inégalités, il faut qu’elles rétribuent des efforts supérieurs. Sinon, gare au coup de mou généralisé.

Culture, perceptions et dosage subtil du cocktail salarial

En pratique, l’acceptation des écarts dépend fortement de la culture et de la croyance en la méritocratie :

  • Les salariés français ont tendance à envier leurs collègues mieux lotis, à cause d’une foi déclinante dans la méritocratie.
  • Les Américains, eux, y voient le reflet d’une réussite accessible (du moins, en théorie !).

De nombreuses études pointent un « juste milieu » : un peu d’inégalité dynamise la performance, mais trop d’écarts, et la productivité s’effondre. En clair : il ne s’agit ni de tout égaliser, ni d’ériger la pyramide de Gizeh entre le haut et le bas de l’échelle.

Autre subtilité : plus on grimpe dans la hiérarchie salariale, plus on tolère de voir s’élargir la fourchette des rémunérations. En bas, les écarts sont en revanche plus difficilement vécus.

Mais la vraie clé, selon Jason Shaw et ses collègues, c’est la légitimité des écarts. Si la différence de salaire repose sur des critères jugés légitimes (poste, performance, compétence, ancienneté…), elle passe bien mieux dans les équipes. Tout est affaire de référence, d’organisation, de culture… et parfois de communication.

Transparence, coopération et petite touche d’éthique

Car la perception de justice dépend aussi de la transparence : si personne ne comprend comment les salaires sont attribués, gare au climat de défiance. D’où l’importance des fameux principes de « justice procédurale » : la clarté des règles du jeu facilite l’acceptation des différences.

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Enfin, le degré d’interdépendance des tâches joue aussi. Dans des groupes très soudés, des écarts jugés illégitimes sabotent la coopération et plombent les résultats. C’est le cas dans le sport comme dans les petites équipes : un champion trop payé et tout le vestiaire grogne.

En conclusion, examiner la légitimité de la dispersion salariale ouvre la voie à des questions éthiques et sociétales majeures. Le débat ne peut faire l’économie d’une réflexion sur nos normes collectives. Des études plus poussées sur ces mécanismes pourraient vraiment nourrir le débat public… et aider à enfin remettre l’argent à sa juste place, sans faux-semblants ni tabous.

Alors, à quand les patrons qui cassent vraiment les codes ? Peut-être le prochain épisode du feuilleton social français…

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